Facebook a annoncé hier le rachat de l'entreprise israélienne Face.com, spécialisée dans la reconnaissance faciale (voir à ce sujet l'article que j'ai publié la semaine dernière dans le quotidien Les Echos : Les dangers de la reconnaissance du visage).
Depuis décembre 2010, Face.com était derrière la technologie de taguage automatique proposée par Facebook.
Le rachat de ce sous-traitant peut représenter pour Facebook un atout économique et peut contribuer à l'augmentation de son audience, ainsi qu'à la sécurité du site ; enfin, il peut présenter à plus long terme un intérêt publicitaire.
• Intérêt économique : la semaine dernière encore, Facebook indiquait que 250 millions de photos étaient publiées chaque jour sur son réseau. Ce sont désormais 300 millions de nouvelles photos qui y sont affichées quotidiennement. On ne connaît pas exactement l'accord qui liait jusqu'à présent Facebook à Face.com. Mais si le réseau de Mark Zuckerberg versait à son sous-traitant des honoraires proportionnels au volume de photos traitées, il avait sans doute tout intérêt à le racheter plutôt qu'à continuer à lui verser une rente de plus en plus importante ;
• Augmentation de l'audience : depuis le mois dernier, Face.com propose Klik, une application pour iPhone qui permet de taguer automatiquement les photos que l'on prend avec son smartphone Apple, avant même que l'on ne les publie sur Facebook. Or les abonnés qui se connectent à Facebook depuis leurs téléphones portables sont de plus en plus nombreux (500 millions sur 901 millions d'utilisateurs de Facebook au total). Mais jusqu'à présent, il leur était souvent difficile de taguer une photo publiée sur Facebook : ils ne pouvaient le faire qu'une fois connectés au réseau depuis un ordinateur. Au contraire, avec Klik, le taguage, réalisé sur l'iPhone, partira directement avec la photo lorsque celle-ci sera publiée sur Facebook depuis le téléphone. Avantage en termes d'augmentation de l'audience ? Lorsque quelqu'un est tagué dans une photo, il est aussitôt prévenu par le réseau et, généralement, il s'y connecte pour regarder ce cliché. D'où l'équation «un tag = une connexion à Facebook supplémentaire = l'occasion d'exposer la personne taguée à de la publicité = possibilité pour Facebook de gagner de l'argent».
• Sécurité du site : de plus en plus d'ordinateurs et la quasi-totalité des smartphones ou des tablettes tactiles possèdent une caméra. Il serait donc tout à fait possible de demander aux utilisateurs de Facebook de s'authentifier non seulement à l'aide de leur adresse email et de leur mot de passe mais également en se prenant en photo : les outils de Face.com pourront comparer ce cliché avec les photos déjà publiées sur Facebook et s'assurer ainsi qu'il s'agit du bon utilisateur. Ce niveau de sécurité supplémentaire permettrait de remédier au problème des comptes piratés. Enfin, la reconnaissance faciale pourrait également servir, à moyen ou long terme (des prototypes existent déjà : voir Age Meter) à classer les personnes par sexes et par âges. Ce tri par âges pourrait être bien utile à Facebook qui souhaite s'ouvrir aux moins de 13 ans.
• Intérêt publicitaire : les outils de reconnaissance faciale peuvent s'appliquer à d'autres éléments que les visages. Comme me l'expliquait par téléphone, il y a quelques jours, Jason Mitura, P-DG de Viewdle, un concurrent de Face.com : «Nous développons des technologies qui peuvent reconnaître des objets.» Comme des voitures, des bouteilles… Cela conforte la prédiction que j’ai réalisée dans mon livre Silicon Valley / Prédateurs Vallée ? : Facebook travaille à une analyse de plus en plus fine des 300 millions de photographies que nous publions chaque jour sur son réseau, afin de repérer les marques qui figurent sur ces clichés, de savoir dans quel contexte ils ont été pris, afin de mieux connaître nos centres d’intérêt et ainsi de nous proposer des publicités ciblées (personnalisées) à chaque fois que nous nous connectons sur ce réseau.
Jacques Henno
Exemple de taguage groupé réalisé avec un des outils proposés par Face.com |