jeudi 15 août 2013
IP Tracking, cookie, publicité ciblée et yield management.
Je participe ce soir, jeudi 15 août 2013, à l’émission «Le
téléphone sonne» sur France Inter, de 19H20 à 20H, consacré à «Internet et
réseaux sociaux, sommes-nous tous traqués et fichés ?[1]»,
aux côtés d’Etienne Drouard (avocat spécialiste de la protection de la vie
privée, ancien membre de la CNIL), Mickaël Vuillaume (web analyste) et Jérémie
Zimmermann (porte-parole de l'association la Quadrature du Net).
Les médias se sont fait l’écho de l’enquête ouverte fin
juin par la CNIL (Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés) et la
DGCCRF (Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la
Répression des Fraudes)[2]
sur l’IP Tracking.
L’IP Tracking consisterait à repérer les ordinateurs des
internautes qui recherchent des billets sur les sites de compagnies aériennes
ou ferroviaires ; s’ils n’achètent pas tout de suite, mais reviennent un
peu plus tard sur ces sites consulter les mêmes voyages, les prix sont
augmentés pour inciter ces internautes à payer tout de suite.
Si elle était avérée, cette pratique commerciale pourrait
être considérée comme déloyale[3]
par la DGCCRF. De son côté, la CNIL se pose «la
question de la loyauté de la collecte des données permettant de mettre en œuvre
l'IP Tracking. Cette pratique serait opérée à l'insu des personnes et sans
qu'elles soient en mesure de connaître, voire d'agir sur les mécanismes
conduisant à moduler le tarif affiché.[4]»
Malheureusement le manque de loyauté de
la collecte de données risque, je le crains, d’être difficile à prouver. En
effet, l’IP Tracking s’effectue au moyen de cookies, des petits logiciels
espions que les sites Web installent sur les navigateurs des internautes. Or,
normalement, en Europe, tous les sites doivent informer leurs visiteurs qu’ils
utilisent des cookies et leur demander leur accord avant de les installer sur
leurs ordinateurs[5].
Une petite application – Ghostery[6]
– permet de voir tous les cookies qui s’installent sur votre ordinateur lorsque
vous arrivez sur un site.
Saisie d'écran du site de France Inter. Ghostery affiche en haut à droite les 14 cookies que ce site a enregistrées sur mon ordinateur
Ces cookies constituent des identifiants
uniques qui permettent de savoir que tel ordinateur s’est rendu sur telle page
de tel site Web. Ils contiennent souvent l’adresse IP de l’ordinateur (un
numéro unique attribué en général par votre FAI - Fournisseur d’Accès à
Internet), l’url des sites visités, une date d’expiration…
Ces cookies sont utilisés pour suivre à
la trace les déplacements des Internautes à l’intérieur d’un même site ou au
cours de leurs pérégrinations sur le Web, de serveurs en serveurs. C’est grâce
à ces cookies que l’on peut connaître le nombre de visiteurs d’un site ou que
nous n’avons pas besoin de retaper notre mot de passe lorsque nous revenons sur
un site sur lequel nous nous sommes déjà identifiés.
Surtout, c’est grâce à ces petits
logiciels espions que Google et les autres géants de la publicité en ligne nous
affichent, sur leurs propres sites, mais aussi les sites dont ils assurent la
régie publicitaire, des publicités dites « comportementales », car
ciblées en fonction de notre comportement, de notre navigation sur Internet.
Pour schématiser, ces régies publicitaires savent que notre ordinateur s’est
d’abord rendu sur un site consacré aux couches-culottes, puis sur un site
spécialisé dans les voitures familiales, avant un site dédié au crédit, et en
déduisent que nous sommes à la recherche d’un crédit automobile. Elles vont
donc nous afficher une pub pour un crédit automobile. Cette bannière
correspondant à nos centres d’intérêts, nous allons cliquer dessus, ce qui va rapporter
plus d’argent à Google et consorts.
Si vous souhaitez en savoir plus, je mets
à votre disposition une petite vidéo expliquant le fonctionnement de la
publicité comportementale[7].
Si vous souhaitez connaître dans quelles
catégories publicitaires Google vous a classé, rendez vous sur http://www.google.com/intl/fr/policies/technologies/ads/
; vers le milieu de cette page, vous trouverez un paragraphe intitulé
«Comment contrôler les cookies
publicitaires» et qui commence par
«Les paramètres
des annonces permettent de gérer les annonces Google que vous
voyez». Cliquez sur paramètres des annonces
Il existe plusieurs formes de publicités
comportementales. L’une d’elles s’appelle le retargeting (reciblage). Elle
consiste à utiliser les cookies pour suivre les internautes qui visitent un
site marchand, mettent un produit dans leur panier, mais ne l’achètent pas.
Pendant plusieurs jours, ils se verront proposer une publicité pour ce même
produit. L’IP Tracking pourrait être considéré comme une variante du
retargeting : on suit les internautes qui n’achètent pas et lorsqu’ils
reviennent, on augmente le prix du produit qui les intéresse.
Inconvénient des cookies : on ne
sait pas exactement qui est derrière l’ordinateur. On sait juste que
c’est tel ordinateur qui visite tel site. C’est pourquoi Google, par exemple,
nous pousse de plus en plus à nous identifier en utilisant un de ses services.
En ce sens, le réseau social Google + avec 500 millions d’inscrits[8]
est un succès pour le célèbre moteur de recherche. Une fois que je me suis
inscrit sur un service Google (courrier électronique Gmail, site de partage de
photo Picasa, réseau social Google +, YouTube…), les cookies de Google peuvent
me suivre partout et accumuler autant d’informations sur moi.
Google se rapproche ainsi de Facebook,
qui nous cible en fonction de notre graphe social (notre réseau d’amis sur
Facebook), de nos publications, des sites que nous visitons et qui comportent
un bouton «J’aime» de Facebook… Facebook accumule ainsi des données très
indiscrètes sur nous (voir à ce sujet la polémique que j’ai soulevée sur le
ciblage que Facebook propose en fonction de nos centres d’intérêts supposés
pour certaines pratiques sexuelles ou des drogues illicites[9]).Pour
savoir dans quelles catégories publicitaires Facebook vous a classé, suivez ce
lien : http://tousfiches.blogspot.fr/2013/01/comment-savoir-dans-quelles-categories.html
Il existe d’autres techniques pour suivre
à la trace les déplacements des Internautes sur le Web (par exemple, les pixels
espions). Mais, à ce jour, la forme de publicité comportementale la plus
aboutie fonctionne sur les smartphones : nous les avons en permanence sur
nous et ils révèlent donc notre position.
Encadré : Yield Management
Petit rappel : les compagnies aériennes et
ferroviaires pratiquent toutes le yield management (gestion fine des
capacités) : pour optimiser le remplissage de leurs avions et de leurs
trains, elles font fluctuer leur prix en fonction de la demande. Un voyageur,
qui réserve un billet d’avion six mois à l’avance, paiera moins cher que
quelqu’un qui réserve la veille du départ. La compagnie aérienne suppose que ce
dernier veut absolument partir ce jour-là et qu’il est donc prêt à payer plus
cher.
Aux Etats-Unis, le moteur de recherche Bing propose un
outil qui permet de savoir s’il vaut mieux acheter son billet tout de suite,
car il a forte probabilité d’augmenter dans les prochains jours, ou s’il vaut
mieux attendre qu’il baisse.
[3] L'article L.120-1 du code de la consommation, considère
comme déloyales une pratique commerciale «lorsqu'elle
est contraire aux exigences de la diligence professionnelle et qu'elle altère,
ou est susceptible d'altérer de manière substantielle, le comportement
économique du consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et
avisé, à l'égard d'un bien ou d'un service.»
Libellés :
behavioral targeting,
cookies,
IP tracking,
publicité ciblée
vendredi 9 août 2013
Invité hier du grand débat d'Europe 1 soir, consacré à Big Brother
J'ai participé hier, jeudi 8 août 2013, au grand débat d'Europe 1 soir consacré à «Big Brother est-il entré dans nos vies ? Nous restent-ils encore des coins de jardins secrets ?», aux côté de Jean-François Ruiz, spécialiste des réseaux sociaux, Edouard Geffray, secrétaire général de la Cnil, Bernard Lamon, avocat et Jean-Marc Manach, journaliste.
A réécouter sur http://www.europe1.fr/MediaCenter/Emissions/Europe-1-Soir/Sons/Europe-1-Soir-Emmanuel-Faux-08-08-13-1606003/, à partir de de la 65ème minute.
A réécouter sur http://www.europe1.fr/MediaCenter/Emissions/Europe-1-Soir/Sons/Europe-1-Soir-Emmanuel-Faux-08-08-13-1606003/, à partir de de la 65ème minute.
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